Normaliser les bonnes pratiques viticoles

Sébastien Rigobert, à la tête de la société de prestation viticole G2V: «On ne doit plus voir cela»

À la tête de la société G2V, Sébastien Rigobert revient sur l’affaire d’Oiry, la prestation viticole en vendange et les bonnes pratiques à mettre en place autour d’un service de plus en plus demandé.

Comment avez-vous réagi en découvrant cette affaire d’hébergement indigne à Oiry ?

Comme chaque Champenois, comme chaque employeur, on ne peut que s’indigner, ne pas être satisfait de cet événement que vous avez relaté dans le journal. On a juste envie de dire : “On ne doit pas ou plus voir cela”.

Cette affaire porte les regards, si ce ne sont les critiques, sur la prestation viticole en général. Comment réagissez-vous face à cela ?

Il y a une très large activité de prestataires effectuée dans un cadre réglementaire, sain et respectueux de notre appellation. Il existe quelques cas isolés que l’on doit faire disparaître parce que cela ne correspond pas à l’éthique de la profession, de l’appellation Champagne.

Existe-t-il un cadre autour de l’activité de prestation, un organisme qui permettrait de régir une activité qui croît d’année en année depuis quelque temps ?

Le seul cadre est celui de la loi du travail ainsi que des règles sociales communes à tous. Comme tout développement d’activité exponentiel – c’est le cas de la prestation de services depuis quatre ou cinq ans –, il faut l’accompagner d’un cadre ou avoir la certitude que les bonnes pratiques sont respectées. J’œuvre depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour que l’on trouve la bonne façon d’encadrer des pratiques au-delà de la loi. Cela afin de rassurer les donneurs d’ordre mais aussi protéger les saisonniers et l’appellation vis-à-vis des pratiques sociales pendant la vendange.

Il faut ici rappeler que le prestataire est un intermédiaire entre un travailleur saisonnier et un donneur d’ordre (maison, vigneron ou coopérative). Ce dernier est tout aussi responsable, au moins socialement, des conditions de travail des travailleurs saisonniers…

Prenons le cas de l’hébergement, une très grande partie de nos donneurs d’ordre nous demande une attestation d’hébergement pour ceux qui le sont. La loi ne l’exige pas. Il existe d’autres éléments de ce type à tous les stades de l’embauche, du recrutement au versement des salaires. Précisons d’ailleurs que nous veillons à la sécurisation des flux financiers et que le règlement des salaires se fait uniquement par virement bancaire.

Ne pourrait-il exister un syndicat de prestataires ou un organisme chapeautant ces entreprises proposant leurs services ?

Je laisse à l’interprofession Champagne le soin de définir le cadre dans lequel travailler et je me mets à disposition pour avancer ensemble. Je tiens à souligner le travail expérimental mené dans l’Aube.

Oui, une charte emploi agricole signée l’été dernier et dont des conclusions devraient être rendues dans les prochains mois…

Cette expérimentation sur les bonnes pratiques pourrait être enrichie de tous (interprofession, organismes sociaux comme la MSA, services de l’État) et s’étendre à tout le territoire champenois.

Chez G2V, comment gérez-vous près de 1 000 saisonniers pendant la vendange ?

Le premier point, essentiel, est d’informer les travailleurs, avant qu’ils partent de chez eux, de leurs conditions de vie (hébergement s’il y a, transport…) et de travail. Il ne faudrait pas qu’ils aient une image décalée entre ce qu’on leur promet et la réalité, surtout pour ceux qui font plus de mille kilomètres. Tous les documents d’embauche sont rédigés dans leur langue d’origine et envoyés avant le départ du travailleur à son domicile. À l’embauche, le contrat de travail est rédigé en français, polonais, bulgare ou anglais. Idem avec les livrets d’accueil. Nous nous sommes aussi attachés à avoir des correspondants locaux de l’entreprise implantés dans différents pays pour soigner le recrutement et être un interprète culturel.

Ce serait effectivement mauvais pour l’image de la Champagne, qui exporte ses produits partout dans le monde, qu’on ne fasse pas attention aux conditions de travail de saisonniers étrangers…

C’est surtout pour le respect du travailleur et son efficacité. Nous avons aussi réalisé des vidéos dans différentes langues, envoyées aux travailleurs en amont, pour leur montrer les gestes.

Cela n’est-il pas plus facile à organiser pour une entreprise de taille importante comme la vôtre plutôt que pour de plus petites structures ?

La traduction du contrat en bulgare me coûte 140 euros. Il y a un seul document pour chacun. Je ne suis pas sûr que ce soit un coût trop élevé pour l’entreprise qui accueille. Il ne s’agit pas de tomber dans trop de contraintes mais de donner un cadre simple et léger, que la majorité d’entre nous respecte déjà d’ailleurs. Tant que l’accueil est bon, respecte le travailleur, qu’il s’agisse d’une entreprise de travailleurs détachés ou aux conditions de travail françaises, peu importe. Si tout est respecté, cela sera bon pour tout le monde. Il faudrait favoriser l’emploi des locaux et Français qui souhaitent venir. Ensuite, si nos bassins locaux et français ne suffisant pas, faire appel à l’extérieur. J’espère que les prochains mois seront marqués par un travail important de tous pour nous présenter sans risque et sans zone d’ombre aux prochaines vendanges.

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